mardi 17 novembre 2015

"Viva la muerte!" beugla un soir de 1936 Milan Astray, le chef hideux des sinistres milices franquistes à la face de Miguel de Unamuno. Le vieux philosophe catholique s'est alors avancé et, bravant une foule assoiffée de sang, a dit en substance d'une voix blanche: "Vous ne représentez aucune civilisation, aucune religion, aucune culture, vous êtes la négation de tout cela, la négation de la vie".
"Vive la mort!" hurlent aujourd'hui les légions d'assassins de Daech. Ils ne sont pas plus l'islam que les phalanges étaient le christianisme. Ils sont les séïdes d'une idéologie politique - le fondamentalisme wahhabite, qu'il faut enfin nommer et combattre - qui se revendique d'une religion. C'est fort différent. Ils sont les hordes de la mort, les petits télégraphistes de la Grande Faucheuse, les apôtres d'un nihilisme que mon père passa sa vie à scruter, étudier, dénoncer.
Lutter, vaincre. Et, c'est notre rôle à tous, sauver cette vie qu'ils veulent détruire. Dire notre amour pour ce monde, cette société, cette ville, ces quartiers ensanglantés. Opposer notre police, notre armée, nos services aux tueurs - c'est crucial et "tendre l'autre joue" n'est pas envisageable- mais créer, aussi, une chaîne de résistance et de résilience entre nous tous. 
Ils veulent rendre impossible toute vie en commun, tout lien social? Alors rencontrons-nous, échangeons sur ce qui nous lie entre nous et ce qui nous lie à ce pays merveilleux que nous avons tous en partage. 
Ils veulent montrer que notre société - mélangée, libre, ouverte - est fragile? Elle l'est, c'est indéniable, mais il nous incombe de faire de cette fragilité une force. En montrant qu'elle résiste à tout, et d'abord à eux.
Il fallait combattre Astray, il faut combattre Al Bagdadi.
Il faut aussi retrouver les mots d'Unamuno. Et, aussi fort qu'ils hurlent à la mort, crier "Vive la vie!"

Raphaël Glucksmann

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